Le marché de produits halal, beaucoup d’acteurs et peu de règles

L’explosion des ventes en France de produits halal suscite une forte concurrence entre organismes censés certifier leur conformité au rite islamique, sur fond de débats plus commerciaux que religieux.


A l’heure où le mois de jeûne du ramadan débute, l’explosion des ventes en France de produits halal suscite une forte concurrence entre organismes censés certifier leur conformité au rite islamique, sur fond de débats plus commerciaux que religieux. (Reuters/Régis Duvignau)


A l’heure où le mois de jeûne du ramadan débute, certains experts estiment que le marché halal pèse désormais près de cinq milliards d’euros. Ces chiffres sont contestés notamment par la Grande mosquée de Paris, qui les jugent surévalués.Mais à mesure qu’il grandit et que ses acteurs se multiplient, le marché échappe toujours à une réglementation incontestée malgré les consignes édictées par les trois plus grandes mosquées de France (Paris, Lyon et Evry).Commercialiser de la viande halal, « ce qui est permis » en arabe, suppose que les bêtes soient égorgées en direction de La Mecque, qu’elles soient vidées de leur sang et que le sacrificateur prononce une prière au moment de l’abattage.En jouant sur le principe, des entreprises ont développé des lignes entières de produits, des cosmétiques aux conserves ou aux surgelés ne contenant pas forcément de viande.Apposer un logo halal sur un produit, « c’est une porte qu’on essaie d’ouvrir, une manière d’attirer l’oeil du consommateur musulman », concède Cheikh Al Sid Cheick, assistant du recteur de la Mosquée de Paris. « Mais n’importe qui ne peut pas faire n’importe quoi ». »Il faut un cahier des charges unique, une certification unique et un logo unique », plaide-t-il.Cependant, les prescriptions alimentaires de l’islam étant au coeur de discussions entre autorités religieuses depuis des siècles, une convention de contrôle paraît difficile à imaginer. »SURENCHÈRE IDENTITAIRE »Mosquées, associations rituelles qui leur sont rattachées ou organismes indépendants peuvent certifier les produits.Côté normes, le Conseil français du culte musulman (CFCM) voudrait mettre en place un « référentiel technico-halal » (RTH) quand d’autres organismes appliquent déjà leur propre label.Le prix de la certification varie en fonction des volumes de viande.La certification halal, « c’est un métier, pas une affaire de mosquée », prévient Ala’a Gafouri, qui a créé le Halal Institute of Food Management Industry (HIFMI) pour former des sacrificateurs et des contrôleurs.Aujourd’hui, en France, « on est dans l’autocontrôle » déplore-t-il. Si bien que, selon lui, 80% des produits étiquetés halal ne le seraient pas réellement, notamment dans les marques distributeurs des grandes enseignes.Mustafa Mahmoud, qui dirige un organisme de certification en Eure-et-Loir, défend lui aussi la séparation des activités pour que lelabel halal soit incontestable. »Chacun son travail, chacun son métier. Vous n’imaginez pas, dans la filière bio, qu’un éleveur certifie lui-même sa viande », explique-t-il. « Il faut des organismes indépendants et un cahier des charges unique, comme pour le ‘label rouge' », qui atteste de la qualité supérieure d’un produit en France, ajoute-t-il.Pour la sociologue Dounia Bouzar, le marché halal est victime de son succès. »On assiste à des dérives purement mercantiles parce que certains ont bien vu les possibilités de profit », explique l’universitaire, qui déplore que le qualificatif « halal » soit aujourd’hui accolé à toutes sortes de produits alors qu’il devrait être réservé à la viande.Depuis une dizaine d’années, elle constate également « une surenchère identitaire » : des jeunes qui ne respectent aucune autre obligation musulmane et qui, par exemple, boivent de l’alcool, exigent de manger strictement halal.Sous l’influence de ceux que Dounia Bouzar appelle les « nouveaux prédicateurs », on a « des générations entières qui croient que si elles ne mangent pas halal elles iront en enfer ».par Laure Bretton

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