CONSEIL D’ETAT statuant au contentieux
N° 423647
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ASSOCIATION ŒUVRE
D’ASSISTANCE AUX BETES
D’ABATTOIRS
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M. Laurent-Xavier Simonel
Rapporteur
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M. Laurent Cytermann
Rapporteur public
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Séance du 18 septembre 2019
Lecture du 4 octobre 2019
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 3ème et 8ème chambres réunies)
Sur le rapport de la 3ème chambre
de la Section du contentieux
N° 423647 – 2 –
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et
un mémoire en réplique, enregistrés les 27 août et 26 novembre 2018 et les 24 avril et 16 juillet 2019 au
secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Œuvre d’assistance aux bêtes
d’abattoirs (OABA) demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé
par le ministre de l’agriculture et de l’alimentation sur sa demande tendant à ce que soit modifié le I de
l’article R. 214-70 du code rural et de la pêche maritime en ce qui concerne l’abattage des bovins, pour
imposer soit un étourdissement immédiatement après la jugulation, soit un étourdissement réversible
préalable à la jugulation, sous réserve dans ce dernier cas d’une validation préalable des techniques ;
2°) à titre principal, d’enjoindre au ministre de l’agriculture et de l’alimentation de
procéder à cette modification dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ;
3°) à titre subsidiaire, d’enjoindre au ministre de l’agriculture et de l’alimentation de
se prononcer à nouveau sur sa demande dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l’État la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
– le règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Laurent-Xavier Simonel, conseiller d’Etat en service extraordinaire,
– les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;
N° 423647 – 3 –
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin,
Stoclet, avocat de l’association Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs ;
Considérant ce qui suit :
1. L’association Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs demande l’annulation du
refus implicite opposé par le ministre de l’agriculture et de l’alimentation à sa demande tendant à ce
que les dispositions du I de l’article R. 214-70 du code rural et de la pêche maritime soient modifiées
pour rendre obligatoire, pour l’abattage rituel des bovins, soit un étourdissement irréversible
immédiatement après la jugulation, soit un étourdissement réversible préalable à la jugulation, sous
réserve dans ce dernier cas d’une validation préalable des techniques.
2. L’autorité compétente, saisie d’une demande tendant à l’abrogation d’un
règlement illégal, est tenue d’y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature,
soit que l’illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date. De même,
lorsqu’elle est saisie d’une demande tendant à la réformation d’un règlement illégal, l’autorité
compétente est tenue d’y substituer des dispositions de nature à mettre fin à cette illégalité.
3. Aux termes de l’article 13 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne :
« Lorsqu’ils formulent et mettent en œuvre la politique de l’Union dans les domaines de l’agriculture, de
la pêche, des transports, du marché intérieur, de la recherche et développement technologique et de
l’espace, l’Union et les États membres tiennent pleinement compte des exigences du bien-être des
animaux en tant qu’êtres sensibles, tout en respectant les dispositions législatives ou administratives et
les usages des États membres en matière notamment de rites religieux, de traditions culturelles et de
patrimoines régionaux ». Aux termes de l’article 4 du règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du
24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort : « 1. Les animaux
sont mis à mort uniquement après étourdissement selon les méthodes et les prescriptions spécifiques
relatives à leurs applications exposées à l’annexe I. L’animal est maintenu dans un état d’inconscience et
d’insensibilité jusqu’à sa mort. / Les méthodes visées à l’annexe I qui n’entraînent pas la mort
instantanée (ci-après dénommées « simple étourdissement ») sont suivies aussitôt que possible d’un
procédé provoquant infailliblement la mort, comme la saignée, le jonchage, l’électrocution ou l’anoxie
prolongée. / 2. L’annexe I peut être modifiée sur la base d’un avis de l’EFSA et selon la procédure visée à
l’article 25, paragraphe 2, pour tenir compte des progrès scientifiques et techniques. Toute modification
de ce type garantit un niveau de bien-être animal au moins équivalent à celui que permettent les
méthodes existantes. / 3. Des lignes directrices communautaires concernant les méthodes énoncées à
l’annexe I peuvent être adoptées selon la procédure visée à l’article 25, paragraphe 2. / 4. Pour les
animaux faisant l’objet de méthodes particulières d’abattage prescrites par des rites religieux, les
prescriptions visées au paragraphe 1 ne sont pas d’application pour autant que l’abattage ait lieu dans
un abattoir ».
Aux termes du paragraphe 2 de l’article 26 du même règlement : « 2. Les États membres
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une plus grande protection que celle prévue par le présent règlement dans les domaines suivants : / (…)
c) l’abattage d’animaux conformément à l’article 4, paragraphe 4, et les opérations annexes ».
4. Aux termes de l’article L. 214-3 du code rural et de la pêche maritime : « Il est
interdit d’exercer des mauvais traitements envers les animaux domestiques ainsi qu’envers les animaux
sauvages apprivoisés ou tenus en captivité. / Des décrets en Conseil d’Etat déterminent les mesures
propres à assurer la protection de ces animaux contre les mauvais traitements ou les utilisations
abusives et à leur éviter des souffrances lors des manipulations inhérentes aux diverses techniques
d’élevage, de parcage, de transport et d’abattage des animaux. / (…) ». Aux termes de l’article R. 214-64
du même code : « I.- Au sens de la présente section et des textes pris pour son application, on entend par
: (…) /
5° ” Etourdissement ” : tout procédé qui, appliqué à un animal, le plonge immédiatement dans un
état d’inconscience. Lorsque ce procédé permet un état d’inconscience réversible, la mise à mort de
l’animal doit intervenir pendant l’inconscience de celui-ci ; /
6° ” Mise à mort ” : tout procédé qui cause la
mort d’un animal ; /
7° ” Abattage ” : le fait de mettre à mort un animal par saignée. / (…) ». Aux termes
de l’article R. 214-70 du même code dont l’association requérante demande la modification du I : « I. –
L’étourdissement des animaux est obligatoire avant l’abattage ou la mise à mort, à l’exception des cas
suivants : / 1° Si cet étourdissement n’est pas compatible avec la pratique de l’abattage rituel ; / 2°
Lorsque le procédé utilisé pour la mise à mort du gibier d’élevage a été préalablement autorisé et
entraîne la mort immédiate des animaux ; / 3° En cas de mise à mort d’urgence. / II. – Les procédés
d’étourdissement et de mise à mort mentionnés au I ainsi que les espèces auxquelles ils doivent être
appliqués sont fixés par arrêté du ministre chargé de l’agriculture. / III. – Un abattoir ne peut mettre en
œuvre la dérogation prévue au 1° du I que s’il y est préalablement autorisé. / L’autorisation est accordée
aux abattoirs qui justifient de la présence d’un matériel adapté et d’un personnel dûment formé, de
procédures garantissant des cadences et un niveau d’hygiène adaptés à cette technique d’abattage ainsi
que d’un système d’enregistrements permettant de vérifier que l’usage de la dérogation correspond à
des commandes commerciales qui le nécessitent. / (…) L’autorisation peut être suspendue ou retirée à la
demande de l’établissement, ou par le préfet en cas de méconnaissance des conditions de l’autorisation
ou des dispositions du présent titre ». Aux termes de l’article R. 214-73 du même code : « Il est interdit à
toute personne de procéder ou de faire procéder à un abattage rituel en dehors d’un abattoir. La mise à
disposition de locaux, terrains, installations, matériel ou équipement en vue de procéder à un abattage
rituel en dehors d’un abattoir est interdite ». L’article R. 214-75 du même code prévoit un régime
d’habilitation des sacrificateurs « par les organismes religieux agréés, sur proposition du ministre de
l’intérieur, par le ministre chargé de l’agriculture ». Aux termes de l’article 2 bis de l’arrêté du
12 décembre 1997 relatif aux procédés d’immobilisation, d’étourdissement et de mise à mort des
animaux et aux conditions de protection animale dans les abattoirs : « Dans le cas d’un abattage sans
étourdissement, l’immobilisation des animaux des espèces bovine, ovine et caprine est assurée au moyen
d’un procédé mécanique appliqué préalablement à l’abattage et est maintenue jusqu’à la perte de
conscience de l’animal conformément aux dispositions de l’annexe II bis du présent arrêté », lequel
prescrit des dispositions supplémentaires applicables dans ce cas. Une note de service du 13 mars 2012
du directeur général de l’alimentation prise au nom du ministre chargé de l’agriculture prescrit un
étourdissement complémentaire si le bovin reste conscient au-delà de quatre-vingt dix secondes après
la jugulation. Par ailleurs, sont applicables à l’abattage rituel les dispositions communes à toutes les
formes d’abattage et notamment l’article R. 214-65 du code rural et de la pêche maritime selon lequel :
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« Toutes les précautions doivent être prises en vue d’épargner aux animaux toute excitation, douleur ou
souffrance évitables pendant les opérations de déchargement, d’acheminement, d’hébergement,
d’immobilisation, d’étourdissement, d’abattage ou de mise à mort » ainsi que l’article R. 214-69 du
même code qui interdit notamment la suspension des animaux avant leur mise à mort.
5. En premier lieu, l’article 4, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1099/2009 du
Conseil rend l’obligation d’étourdissement inapplicable à la mise à mort dans des abattoirs des animaux
selon les méthodes particulières d’abattage prescrites par des rites religieux et son article 26,
paragraphe 2, ouvre aux États membres la faculté d’adopter en la matière des règles nationales plus
protectrices des animaux au moment de leur mise à mort. Par suite, le droit de l’Union rendant
l’obligation d’étourdissement des animaux inapplicable aux abattages prescrits selon des rites religieux
et en ne laissant aux Etats membres qu’une faculté d’introduire des mesures visant à assurer une plus
grande protection des animaux lors de leur abattage rituel sans étourdissement préalable, l’association
requérante n’est pas fondée à soutenir que la règlementation existante méconnaîtrait le droit de
l’Union dont l’article 13 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui impose aux Etats
membres de tenir pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu’êtres
sensibles
6. En deuxième lieu, il résulte des dispositions citées au point 4 que l’abattage rituel
des bovins est soumis à l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires applicables à tout
abattage et à des obligations supplémentaires spécifiques, relatives notamment à l’organisation des
abattoirs spécialement autorisés, à la formation du personnel et à la contention des animaux, résultant
des dispositions du III de l’article R. 214-70 du code rural et de la pêche maritime et de l’arrêté du 12
décembre 1997 relatif aux procédés d’immobilisation, d’étourdissement et de mise à mort des animaux
et aux conditions de protection animale dans les abattoirs. Au vu de l’ensemble de ces dispositions, la
dérogation à l’obligation d’étourdissement au moment de la mise à mort des animaux prévue par le I de
l’article R. 214-70 ne peut être regardée comme autorisant des mauvais traitements envers les animaux
au sens de l’article L. 214-3 du code rural et de la pêche maritime.
7. En troisième lieu, ni les recommandations mentionnées par l’association
requérante du rapport de 2016 du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces
ruraux sur la dérogation pour les abattages rituels à l’obligation d’étourdissement préalable des
animaux avant leur jugulation, lesquelles préconisent pour l’abattage rituel des bovins soit un
étourdissement immédiatement après la jugulation, soit un étourdissement réversible préalable à celleci, ni les autres éléments produits par l’association requérante, d’ordre scientifique ou relatifs à
certaines opinions religieuses, entre lesquelles il n’appartient pas au pouvoir réglementaire d’arbitrer,
n’établissent une illégalité actuelle des dispositions réglementaires contestées prises, ainsi qu’il a été
dit, en conformité avec les dispositions précitées de l’article 4, paragraphe 4, du règlement (CE) n°
1099/2009 du Conseil au motif tiré de ce que le pouvoir réglementaire, qui doit rechercher le plus
grand degré de bien-être animal compatible avec la liberté religieuse, n’a pas imposé le recours à des
mesures qui seraient plus protectrices des animaux au moment de leur mise à mort par abattage rituel.
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8. Il résulte de ce qui précède que l’association Œuvre d’assistance aux bêtes
d’abattoirs n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision qu’elle attaque. Par suite, ses
conclusions aux fins d’injonction et celles présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l’association Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’association Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs, au
Premier ministre, au ministre de l’intérieur et au ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Copie en sera adressée à l’association nationale interprofessionnelle du bétail et des viand